Courrier de saisie de la Halde de la Fédération des APAJH [1]

Monsieur le Président de la HALDE,

En vertu de l’article 4 de la loi du 30 décembre 2004, en tant que Président de l’APAJH, et au nom de ses adhérents, je vous saisis afin de porter à votre connaissance l’existence de discriminations d’Etat concernant les personnes en situation de handicap.

Ces discriminations se traduisent par les violations répétées par l’Etat d’un des principes fondateurs et essentiels de la République : l’égalité des droits civils et civiques, ainsi que le plein exercice de la citoyenneté. Pour les personnes en situation de handicap, le plein exercice de la citoyenneté suppose la mise en place de compensation des effets du handicap pour l’accès à l’emploi, l’accès à la culture, aux soins …

Ainsi, chaque citoyen, indépendamment de son sexe, de son origine ethnique, de son orientation sexuelle, de sa religion ou de son handicap, a le droit à une égalité de traitement dans tous les aspects de la vie de la cité.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, posait les bases d’une société moins discriminante. Toutefois, de part, les nombreuses modifications apportées au texte initial, ces attentes sont aujourd’hui déçues et laissent présager l’aggravation des discriminations au logement, à l’emploi, à la scolarisation et à toute autre forme de participation à la vie sociale.

Discrimination dans l’accès aux logements et aux bâtiments des personnes en situation de handicap.

Alors que la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est venue – enfin –affirmer l’accessibilité pleine et entière aux bâtiments, le gouvernement revient sur ces dispositions et tend à faire que les dérogations deviennent règle et non exceptions.

Les personnes en situation de handicap, ne pouvant se rendre au bureau de poste, ne pouvant accéder à des logements sociaux sont victimes au quotidien de discriminations.

La loi de 2005 avait introduit l’obligation de mise en accessibilité des locaux d’habitation, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail.

La loi ne prévoyait que 4 types de dérogations:
– Une dérogation pour les propriétaires construisant ou améliorant pour leur propre usage un logement ;
– Une dérogation en cas d’impossibilité technique de mise en accessibilité d’un bâtiment existant ;
– Une dérogation en cas de contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural ;
– Une dérogation en cas de disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences.

Un décret du 17 mai 2006 avait étendu les possibilités de dérogations en cas d’impossibilités techniques résultant de l’environnement pour les bâtiments neufs ou en construction. Ce décret a été déclaré illégal par le Conseil d’Etat le 17 juillet 2009.

Le projet de loi de finances rectificative de 2009 dans son article 53 est venu étendre le principe des 4 dérogations à l’ensemble des constructions neuves. Le conseil constitutionnel, dans une décision du 29 décembre 2009, a déclaré cette disposition contraire à la Constitution en la jugeant étrangère au domaine de la loi de finances.

Ces deux tentatives démontrent une volonté affirmée du gouvernement de réduire à son strict minima, l’obligation d’accessibilité et fait planer des incertitudes quant à la réalité à venir de l’accès à tout, pour tous.

Discrimination à l’accès à l’emploi pour les personnes en situation de handicap.

La loi de 2005 renforçait le principe de l’obligation d’emploi des travailleurs en situation de handicap en augmentant le montant des sanctions pesant sur les entreprises. Cette disposition était essentielle car elle venait améliorer l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap touchées de plein fouet par des discriminations à l’embauche (pour mémoire, le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois plus élevé que pour le reste de la population).

L’article L 5212-10 du Code du travail prévoit que les établissements de plus de 20 salariés qui, pendant une période supérieure à 3 ans, n’ont réalisé aucune action positive au titre de l’obligation d’emploi (OETH), sont redevables d’une contribution à l’AGEFIPH réévaluée à 1500 fois le SMIC horaire. Cette disposition est applicable à compter du 1er janvier 2010 au titre de l’obligation d’emploi 2009.

Cette disposition renforce les mesures existantes en augmentant de manière substantielle, le montant des sanctions financières.

Par décision du Premier Ministre fin décembre 2009 et confirmée par courrier en date du 29 janvier 2010 adressé aux PME, le secrétaire d’Etat chargé de l’emploi et la secrétaire d’Etat chargée de la famille et de la solidarité indiquent que « la mise en œuvre de cette disposition […] sera appréciée avec souplesse pour les établissements de moins de 50 salariés compte tenu du contexte économique exceptionnel et des difficultés spécifiques qu’ils rencontrent pour remplir leur obligation d’emploi compte tenu de leur taille. Ainsi, en cas de réalisation d’une action positive avant le 1er juillet 2010, l’établissement ne s’acquittera au titre de l’OETH 2009 que de sa contribution normale calculée sur la base de 400, 500 ou 600 fois le SMIC horaire, l’action réalisée était valorisable au titre de l’OETH 2010. »

Ces indications ministérielles constituent donc un report du renforcement des sanctions applicables. Alors même que les personnes en situation de handicap sont d’autant plus fragilisées en période de crise, dans leur accès à l’emploi, le gouvernement ouvre la porte à de nouvelles discriminations. Avant même la crise, rappelons que les PME soumises à l’OETH atteignaient à peine les 3 % d’emploi des travailleurs en situation de handicap.

Dans notre société, le travail est une valeur essentielle et constitue l’un des piliers de la citoyenneté et de la participation à la vie sociale : alléger les contraintes financières prévues dans la loi pour les PME aggravent les discriminations à l’emploi dont sont victimes les personnes en situation de handicap.