Philippe DELOFFRE, Directeur du département Debt Advisory de CBRE
Quelles sont les particularités du marché de la dette hôtelière ?
La différence principale entre l’acquisition d’un hôtel et celle d’un actif d’immobilier d’entreprise banalisé réside dans la nature des cash-flows perçus par le propriétaire. Dans le cadre d’un bien immobilier d’entreprise banalisé, le propriétaire perçoit chaque mois un loyer fixé dans le bail et généralement indexé. Par conséquent, l’analyse du financement de tels actifs est très standardisée.
Dans le cas d’un actif hôtelier, le fonds et les murs sont souvent acquis conjointement, et dans ce cas les cash-flows sont le résultat net de l’hôtel. Ceux-ci dépendent notamment de la situation du bien, de
sa qualité et de sa réputation, garants d’un bon taux de remplissage de l’hôtel et donc de revenus.
La bonne gestion de l’hôtel est elle aussi primordiale afin de maintenir son attractivité. De plus, le prêteur va s’assurer au maximum que l’emprunteur aura la capacité d’effectuer des versements trimestriels de remboursement du crédit à partir de revenus qui varient en fonction des (éventuels) cycles de fréquentation de l’hôtel. Autrement dit, la particularité de l’actif hôtelier est que sa performance est liée à celle du fonds de commerce, et pas seulement aux murs. L’octroi d’un crédit pour un investissement hôtelier demande ainsi d’étudier des paramètres plus nombreux et moins habituels, moins standardisés que pour les autres types d’investissement immobilier.
La deuxième particularité est une conséquence de la première : l’étude d’une demande de financement d’un bien hôtelier étant moins banalisée, plus particulière, elle demande une expertise spécifique qui nécessite généralement une équipe dédiée. Cette nécessité restreint le nombre de prêteurs potentiels et induit des conditions de financement souvent plus dures que dans le cadre d’un investissement en immobilier d’entreprise banalisé.
Quelles évolutions observez-vous ?
Les conditions de crédit se sont resserrées depuis août 2011, et cela pour des acquisitions de tout type d’immobilier d’entreprise.
Ce phénomène ne se voit pas tant dans le niveau des taux d’intérêt que dans les critères d’octroi qui sont plus exigeants et le degré de « screening » des dossiers qui est beaucoup plus poussé. Face à cette
tendance, le secteur hôtelier apparaît davantage touché, et ceci principalement en raison des particularités que je viens d’évoquer.
On observe donc actuellement un approfondissement des dossiers, où chaque détail est étudié précisément. Il semble que le projet hôtelier en lui-même soit davantage considéré qu’auparavant, ce qui aboutit à une mise en concurrence des projets, avec une prime à ceux qui semblent les moins risqués. La qualité du gestionnaire de l’hôtel est aussi davantage étudiée. Ces derniers mois, une tendance à la baisse du ratio LTV (« Loan to Value », i.e. le rapport entre le montant emprunté et la valeur
du bien acquis grâce au crédit) est visible, atteignant parfois un quotient de 50 %, ce qui est faible.
Dans ces conditions, il est encore plus pertinent pour un emprunteur de faire appel à un conseil qui saura présenter le projet en des termes bancaires et financiers, faire passer sa conviction sur la performance opérationnelle en comprenant les contraintes des différentes parties, mais aussi structurer le financement et ses sûretés.
Cette tendance est-elle durable ?
Même si acquérir un établissement hôtelier peut s’avérer profitable, les conditions de l’octroi de crédit pour investissement hôtelier devraient rester très resserrées au cours des prochaines années. D’ailleurs,
jusqu’à maintenant, aucun prêteur alternatif européen ou anglo-saxon (fonds de dette, compagnies d’assurance, mutuelle, …) n’a mis à son agenda le financement hôtelier. Cela pourrait avoir des
conséquences sur le marché de l’investissement hôtelier, favorisant les investisseurs bénéficiant de fonds propres importants. Le fait que les très grosses transactions de ces derniers mois proviennent notamment de fonds moyen-orientaux est de ce point de vue significatif.