Le séisme de 2010 à Port-au-Prince, la capitale haïtienne, est une illustration tragique des défis auxquels sont confrontées les villes, mais aussi les acteurs de la solidarité internationale, face aux crises. Lors de cette catastrophe sans précédent (250 000 morts, 1,6 million de déplacés, pertes estimées à 120% du PIB), les contradictions entre acteurs de l’urgence et du développement ont été exacerbées.
Lors du récent Forum urbain mondial, le Gret a porté les recommandations du Groupe initiatives pour une meilleure articulation entre urgence et développement.
La capacité des acteurs de l’urgence à atteindre rapidement des objectifs humanitaires à grande échelle (sauver des vies, secours) a des effets non voulus : faible coordination des interventions, actions « préfabriquées » peu adaptables, «court-circuitage» des États et organisations locales. Le maintien de programmes d’assistance gratuite contribue à décapitaliser voire ruiner les services locaux, publics et privés, qui doivent prendre la relève. A Port-au-Prince, suite au séisme de 2010, la coexistence de camps et de quartiers, a provoqué une mise en concurrence des territoires et des offres de services. L’aide se concentrant dans les camps au détriment des quartiers défavorisés
plus difficiles d’accès, une partie de la population a quitté temporairement les quartiers, y compris non détruits, pour des camps, passant de 1,3 à 2 millions de réfugiés en trois mois.
Dans ce contexte, le Gret, présent depuis 17 ans en Haïti, a été l’interface entre les pouvoirs publics et les organisations de la société civile qu’il appuie, et les acteurs de l’urgence, pour favoriser
l’arrivée de l’aide dans les quartiers précaires et mettre les urgentistes en lien avec les acteurs légitimes. « « Faire valoir l’existant », c’est le rôle que devraient jouer les ONG de développement
dans un contexte d’urgence. explique Renaud Colombier, spécialiste de l’urbain au Gret. Leur connaissance fine des terrains et des acteurs locaux, leur capacité à produire de l’information fiable, une vision de long terme et des stratégies de changement s’appuyant sur les forces locales, sont autant d’atouts à mobiliser ».
Pour mieux articuler les atouts des acteurs de l’urgence et du développement et ainsi optimiser les interventions en temps de crise, le Gret, avec le Groupe initiatives, recommande :
– Aux ONG : une meilleure préparation aux situations de crise et le développement de coopérations entre développeurs et urgentistes en amont, pendant et après les crises
– Aux bailleurs de fonds : le décloisonnement des financements et la mise en place de fonds conjoints ou mixtes où les objectifs de court et long termes sont visés simultanément.
– Aux institutions des Nations unies : l’intégration systématique des ONG de développement dans les organismes de coordination terrain (clusters) qui se constituent lors de crises.
Fondé en 1976, le Gret est une ONG française de développement qui agit du terrain au politique pour lutter contre la pauvreté et les inégalités. Dans plus de 30 pays, ses professionnels interviennent sur une palette de thématiques afin d’apporter des réponses durables et innovantes pour le développement solidaire.